Alors que leurs camarades des autres écoles préparatoires ont repris les cours dimanche dernier, ceux des sciences et techniques à Bab El Oued ont poursuivi le mouvement pour une huitième semaine. Face à la démission de leurs enseignants, ils remettent en cause le système préparatoire qui devrait pourtant être le meilleur du pays.
Plus de quarante élèves en classe. Des professeurs aux compétences discutables. Pas de bibliothèque ni de laboratoire. Les étudiants de l’Ecole préparatoire des sciences et techniques savent ce qui leur en coûtera d’être en grève depuis huit semaines, car ils n’ont pas le droit de redoubler. Pourtant, c’est la valeur de leur formation, censée faire d’eux l’élite de la nation, qui est en jeu. Hier, une assemblée générale des étudiants s’est tenue à l’école : ils pourraient reprendre les cours lundi prochain, si le ministère de l’Enseignement supérieur tient sa promesse et annonce la date de leur transfert à l’Ecole nationale des travaux publics de Kouba, une de leurs revendications.
En attendant, les étudiants assistent à des démissions de leurs enseignants – dont la majorité sont des vacataires – et à la détérioration de leurs conditions d’enseignement. «Mais au-delà de la méthode d’enseignement, défaillante, c’est surtout l’ensemble du système des écoles préparatoires qui est remis en cause, souligne une enseignante des classes préparatoires. Leur instauration (qui remonte à la rentrée 2009-2010, ndlr), n’a pas été achevée. Le quota d’heures est excessif, tout comme la surcharge de travail. Je sens que mes étudiants sont stressés et ils ont tout le temps peur de ne pas pouvoir décrocher leur année. Car la note éliminatoire de ce cycle est calculée à hauteur de 70% de la moyenne de toute la promotion…» Les étudiants des autres écoles préparatoires, eux, ont repris les cours dimanche dernier.
Edina, 19 ans, 1re année. En sciences, nous n’avons pas de labo pour nos expériences !
Nous en sommes à notre huitième semaine de grève et nos problèmes ne sont pas réglés. Nous manquons de tout : nous n’avons, dans l’école, ni hébergement, ni transport, ni restauration. A la pause déjeuner, nous sommes obligés de nous déplacer jusqu’à Ruisseau ! Nous pensions avoir réglé ce problème en mettant la pression sur le ministère : en supprimant la pause déjeuner, nous devions terminer les cours plus tôt, à 15h30, pour permettre aux étudiants de s’organiser. Mais cette option ne tardera pas à être supprimée, dans la mesure où le ministère vient de décider de prolonger les cours jusqu’à 18h30 pour rattraper le retard occasionné par la grève. J’ai eu mon bac avec une moyenne de 15,24 et la majorité de mes camarades ont été honorés par le président Bouteflika, mais finalement nous nous sommes retrouvés dans des conditions pires qu’au lycée. Non seulement nous sommes mélangés avec des lycéens, mais nous étudions dans des conditions lamentables. Portes et fenêtres cassées, absence de chauffage… Le lycée est également en plein chantier. Un de mes camarades a failli perdre la vie lorsque une pierre lui est tombée sur lui. Nous sommes très loin des normes d’une école préparatoire... La nôtre n’en a que le nom. Il n’y a ni laboratoire, ni bibliothèque, ni salle de travaux pratiques, ni salle d’informatique… Comment font donc les étudiants en sciences pour effectuer des expériences en chimie ou en physique ? Je suis non seulement déçue mais surtout brisée. Je m’attendais à mieux. Certains de mes camarades enragent, car nous n’avons pas le droit de redoubler. Tout étudiant n’ayant pas pu décrocher son année est systématiquement exclu et il n’aura plus le droit de s’inscrire dans une grande école. Et c’est le retour à la case départ : il refera ses études avec les étudiants du… LMD. Celui de la deuxième année n’ayant pas eu le concours d’accès aux grandes écoles intégrera l’université système LMD. C’est un système extrêmement sévère imposé sans que les conditions d’études adéquates soient réunies.
Imène, 18 ans, 1re année. On nous demande de choisir nous-mêmes les professeurs qui doivent enseigner !
A la rentrée 2010-2011, nous avions l’espoir que les choses allaient s’améliorer mais, finalement, rien n’a été réglé. Hier, nous avons appris que le ministère de l’Enseignement supérieur devait nous transférer vers l’Ecole nationale des travaux publics. Personnellement, je ne suis pas d’accord, car ce n’est pas cette seule décision qui pourra améliorer notre sort. Une fois là-bas, aurons-nous les laboratoires et les salles de travaux pratiques ? J’aurais préféré que nous déménagions à l’Ecole nationale polytechnique. Là-bas, au moins, il y a des professeurs performants, pas comme les nôtres... D’ailleurs notre administration nous demande de choisir nous-mêmes les professeurs qui doivent enseigner ! La majorité d’entre eux ne sont pas destinés à enseigner dans une école préparatoire. Ils ne se donnent même pas la peine d’élaborer des sujets d’examen ou des devoirs selon notre niveau. Nous sommes dans une école censée former l’élite et les sujets élaborés sont bien en deçà de notre niveau. J’ai eu mon bac avec une moyenne de 15,60 et suis appelée dans une année à rejoindre l’une des quatre grandes écoles. Pour les enseignants, nous ne sommes malheureusement pas une priorité. Je n’accepte toujours pas le fait que je ne peux pas poser une question à mon enseignant, sous prétexte qu’il n’est là que pour assurer un cours magistral…
Rachida, 18 ans,1re année. Nos profs ? Des vacataires de Bab Ezzouar !
Personne ne veut nous entendre ! C’est normal que nous poursuivions notre grève et cela pour une durée indéterminée. Nos revendications n’ont pas été entendues. Nous voulons être écoutés et qu’on nous accorde une certaine considération. Notre situation ne fait qu’empirer depuis le début de la grève. Plusieurs professeurs ont jeté l’éponge. Nos salles de cours, appartenant au lycée Emir Abdelkader et non à l’école, ont été reprises par la direction de l’établissement. Actuellement, nous ne sommes nulle part. Il faut que l’opinion publique sache que nous n’en sommes pas à notre première grève. Plusieurs arrêts de cours ont été observés sans que jamais quelqu’un ne nous aide. Nous manquons de professeurs, quand ils ne sont pas tout simplement incompétents ! Ce sont généralement de jeunes profs ou des enseignants de l’université de Bab Ezzouar qui font des heures supplémentaires. Ce qui les empêche de s’impliquer davantage dans notre formation, vu la surcharge et l’absence des travaux dirigés. En plus, notre école ne dispose pas de laboratoire ou de salle adéquate pour les TD. Quant à l’administration, elle est absente. Le directeur est le seul plus ou moins actif. Résultat : nous ne sommes jamais informés de quoi que ce soit. Je fais partie des meilleurs bacheliers, avec une moyenne au bac de 15,33. J’ai tout de suite choisi cette école pour accéder à une formation supérieure et décrocher un diplôme d’ingéniorat d’Etat. Mon entourage m’a conseillée afin d’intégrer l’Ecole polytechnique. Aujourd’hui, je suis réellement déçue, je n’aurais jamais pensé qu’une école préparatoire pouvait être d’un niveau aussi médiocre, pour ne pas dire aussi nul. Une école de cette envergure devrait offrir des conditions optimales à des étudiants triés sur le volet en fonction de leurs résultats au bac, fixés cette année à 16/20. Personnellement, si les choses ne s’améliorent pas, je compte me réorienter l’an prochain vers une filière plus sûre et mieux organisée.
Le parcours théorique de la future élite
Il existe en Algérie dix écoles préparatoires réparties sur trois régions. Il y a d’abord l’Ecole préparatoire en sciences économiques, commerciales et sciences de gestion, à Alger, Constantine, Oran et Tlemcen. Puis l’Ecole préparatoire en sciences et techniques à Alger, Annaba, Tlemcen et Oran. Et enfin l’Ecole préparatoire en sciences de la nature et de la vie à Alger. Opérationnelles depuis la rentrée universitaire 2009-2010, cinq lycées ont été retenus pour les abriter. Ces écoles préparatoires devraient en principe assurer une formation de haut niveau par des professeurs spécialisés aux compétences répondant aux normes internationales. Seuls les bacheliers ayant obtenu des moyennes élevées peuvent y accéder. Ces classes sont appelées à assurer une formation de deux ans, en tronc commun, dans l’une des filières ouvertes. Après ces deux années, les étudiants sont orientés, après concours, vers l’une des quatre grandes écoles : polytechnique, hydraulique, mines ou travaux publics.
le lien
http://www.elwatan.com/weekend/aujourdhui/ecoles-preparatoires-la-grande-desillusion-11-03-2011-115473_234.php
Plus de quarante élèves en classe. Des professeurs aux compétences discutables. Pas de bibliothèque ni de laboratoire. Les étudiants de l’Ecole préparatoire des sciences et techniques savent ce qui leur en coûtera d’être en grève depuis huit semaines, car ils n’ont pas le droit de redoubler. Pourtant, c’est la valeur de leur formation, censée faire d’eux l’élite de la nation, qui est en jeu. Hier, une assemblée générale des étudiants s’est tenue à l’école : ils pourraient reprendre les cours lundi prochain, si le ministère de l’Enseignement supérieur tient sa promesse et annonce la date de leur transfert à l’Ecole nationale des travaux publics de Kouba, une de leurs revendications.
En attendant, les étudiants assistent à des démissions de leurs enseignants – dont la majorité sont des vacataires – et à la détérioration de leurs conditions d’enseignement. «Mais au-delà de la méthode d’enseignement, défaillante, c’est surtout l’ensemble du système des écoles préparatoires qui est remis en cause, souligne une enseignante des classes préparatoires. Leur instauration (qui remonte à la rentrée 2009-2010, ndlr), n’a pas été achevée. Le quota d’heures est excessif, tout comme la surcharge de travail. Je sens que mes étudiants sont stressés et ils ont tout le temps peur de ne pas pouvoir décrocher leur année. Car la note éliminatoire de ce cycle est calculée à hauteur de 70% de la moyenne de toute la promotion…» Les étudiants des autres écoles préparatoires, eux, ont repris les cours dimanche dernier.
Edina, 19 ans, 1re année. En sciences, nous n’avons pas de labo pour nos expériences !
Nous en sommes à notre huitième semaine de grève et nos problèmes ne sont pas réglés. Nous manquons de tout : nous n’avons, dans l’école, ni hébergement, ni transport, ni restauration. A la pause déjeuner, nous sommes obligés de nous déplacer jusqu’à Ruisseau ! Nous pensions avoir réglé ce problème en mettant la pression sur le ministère : en supprimant la pause déjeuner, nous devions terminer les cours plus tôt, à 15h30, pour permettre aux étudiants de s’organiser. Mais cette option ne tardera pas à être supprimée, dans la mesure où le ministère vient de décider de prolonger les cours jusqu’à 18h30 pour rattraper le retard occasionné par la grève. J’ai eu mon bac avec une moyenne de 15,24 et la majorité de mes camarades ont été honorés par le président Bouteflika, mais finalement nous nous sommes retrouvés dans des conditions pires qu’au lycée. Non seulement nous sommes mélangés avec des lycéens, mais nous étudions dans des conditions lamentables. Portes et fenêtres cassées, absence de chauffage… Le lycée est également en plein chantier. Un de mes camarades a failli perdre la vie lorsque une pierre lui est tombée sur lui. Nous sommes très loin des normes d’une école préparatoire... La nôtre n’en a que le nom. Il n’y a ni laboratoire, ni bibliothèque, ni salle de travaux pratiques, ni salle d’informatique… Comment font donc les étudiants en sciences pour effectuer des expériences en chimie ou en physique ? Je suis non seulement déçue mais surtout brisée. Je m’attendais à mieux. Certains de mes camarades enragent, car nous n’avons pas le droit de redoubler. Tout étudiant n’ayant pas pu décrocher son année est systématiquement exclu et il n’aura plus le droit de s’inscrire dans une grande école. Et c’est le retour à la case départ : il refera ses études avec les étudiants du… LMD. Celui de la deuxième année n’ayant pas eu le concours d’accès aux grandes écoles intégrera l’université système LMD. C’est un système extrêmement sévère imposé sans que les conditions d’études adéquates soient réunies.
Imène, 18 ans, 1re année. On nous demande de choisir nous-mêmes les professeurs qui doivent enseigner !
A la rentrée 2010-2011, nous avions l’espoir que les choses allaient s’améliorer mais, finalement, rien n’a été réglé. Hier, nous avons appris que le ministère de l’Enseignement supérieur devait nous transférer vers l’Ecole nationale des travaux publics. Personnellement, je ne suis pas d’accord, car ce n’est pas cette seule décision qui pourra améliorer notre sort. Une fois là-bas, aurons-nous les laboratoires et les salles de travaux pratiques ? J’aurais préféré que nous déménagions à l’Ecole nationale polytechnique. Là-bas, au moins, il y a des professeurs performants, pas comme les nôtres... D’ailleurs notre administration nous demande de choisir nous-mêmes les professeurs qui doivent enseigner ! La majorité d’entre eux ne sont pas destinés à enseigner dans une école préparatoire. Ils ne se donnent même pas la peine d’élaborer des sujets d’examen ou des devoirs selon notre niveau. Nous sommes dans une école censée former l’élite et les sujets élaborés sont bien en deçà de notre niveau. J’ai eu mon bac avec une moyenne de 15,60 et suis appelée dans une année à rejoindre l’une des quatre grandes écoles. Pour les enseignants, nous ne sommes malheureusement pas une priorité. Je n’accepte toujours pas le fait que je ne peux pas poser une question à mon enseignant, sous prétexte qu’il n’est là que pour assurer un cours magistral…
Rachida, 18 ans,1re année. Nos profs ? Des vacataires de Bab Ezzouar !
Personne ne veut nous entendre ! C’est normal que nous poursuivions notre grève et cela pour une durée indéterminée. Nos revendications n’ont pas été entendues. Nous voulons être écoutés et qu’on nous accorde une certaine considération. Notre situation ne fait qu’empirer depuis le début de la grève. Plusieurs professeurs ont jeté l’éponge. Nos salles de cours, appartenant au lycée Emir Abdelkader et non à l’école, ont été reprises par la direction de l’établissement. Actuellement, nous ne sommes nulle part. Il faut que l’opinion publique sache que nous n’en sommes pas à notre première grève. Plusieurs arrêts de cours ont été observés sans que jamais quelqu’un ne nous aide. Nous manquons de professeurs, quand ils ne sont pas tout simplement incompétents ! Ce sont généralement de jeunes profs ou des enseignants de l’université de Bab Ezzouar qui font des heures supplémentaires. Ce qui les empêche de s’impliquer davantage dans notre formation, vu la surcharge et l’absence des travaux dirigés. En plus, notre école ne dispose pas de laboratoire ou de salle adéquate pour les TD. Quant à l’administration, elle est absente. Le directeur est le seul plus ou moins actif. Résultat : nous ne sommes jamais informés de quoi que ce soit. Je fais partie des meilleurs bacheliers, avec une moyenne au bac de 15,33. J’ai tout de suite choisi cette école pour accéder à une formation supérieure et décrocher un diplôme d’ingéniorat d’Etat. Mon entourage m’a conseillée afin d’intégrer l’Ecole polytechnique. Aujourd’hui, je suis réellement déçue, je n’aurais jamais pensé qu’une école préparatoire pouvait être d’un niveau aussi médiocre, pour ne pas dire aussi nul. Une école de cette envergure devrait offrir des conditions optimales à des étudiants triés sur le volet en fonction de leurs résultats au bac, fixés cette année à 16/20. Personnellement, si les choses ne s’améliorent pas, je compte me réorienter l’an prochain vers une filière plus sûre et mieux organisée.
Le parcours théorique de la future élite
Il existe en Algérie dix écoles préparatoires réparties sur trois régions. Il y a d’abord l’Ecole préparatoire en sciences économiques, commerciales et sciences de gestion, à Alger, Constantine, Oran et Tlemcen. Puis l’Ecole préparatoire en sciences et techniques à Alger, Annaba, Tlemcen et Oran. Et enfin l’Ecole préparatoire en sciences de la nature et de la vie à Alger. Opérationnelles depuis la rentrée universitaire 2009-2010, cinq lycées ont été retenus pour les abriter. Ces écoles préparatoires devraient en principe assurer une formation de haut niveau par des professeurs spécialisés aux compétences répondant aux normes internationales. Seuls les bacheliers ayant obtenu des moyennes élevées peuvent y accéder. Ces classes sont appelées à assurer une formation de deux ans, en tronc commun, dans l’une des filières ouvertes. Après ces deux années, les étudiants sont orientés, après concours, vers l’une des quatre grandes écoles : polytechnique, hydraulique, mines ou travaux publics.
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