La question de l’éthique professionnelle dans la pratique universitaire se pose aujourd’hui de manière urgente. Le plagiat et la triche font-ils de l’étudiant une pâle réplique de l’enseignant ?
S’agit-il d’un fléau profond qui colle à l’université, ou sont-ce seulement que de fortuits raccourcis face à l’appréhension de l’évaluation et la peur de l’échec ? Le «copier-coller» à l’ère d’internet et de l’«open source» impose-t-il de revoir la notion d’éthicité(1) ? La déviance loin des principes moraux de la pratique universitaire révèle-t-elle un blocage dans la recherche ? Autant de questionnements que pose l’assimilation de la notion d’éthique et qui freinent la réalisation de la vision 2030 tracée par le gouvernement qui a misé gros sur le système LMD (licence-mastère-doctorat).
Le constat est accablant : trois enseignants sur quatre ignorent l’existence de la charte d’éthique et de déontologie universitaire, publiée en 2010 par le ministère. Il s’agit là d’une donnée révélée, lundi, par le professeur Meliani Mohamed, chef du projet de recherche en éthique universitaire. Le projet comporte une étude entamée en 2012 par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc). Les résultats de cette étude seront révélés incessamment. Alors que ce projet a été clôturé en juin 2015, le Crasc a ajouté une extension à l’étude afin de produire des écrits sur la question de l’éthique.
Dans ce cadre aussi, un colloque international a été organisé les 22 et 23 novembre au siège du Crasc, à Oran, sous le thème «Université et éthique professionnelle». C’est à cette occasion que le professeur Meliani, ainsi que d’autres intervenants, à l’image du philosophe Didier Moreau, ont pu débattre de la pratique universitaire et ses enjeux. Ce rendez-vous a permis de reformuler la problématique et de s’interroger sur la réalité de l’université algérienne. Des pratiques hors-la-loi et/ou non éthiques viennent entacher l’œuvre universitaire. Ceci a obligé les chercheurs à produire une analyse approfondie des cas de manquements relevés, tout en essayant de cerner le niveau de connaissances de la question de l’éthique chez les universitaires.
Le comble de la dérive de la pratique est le plagiat des étudiants. Pour traiter de ce problème, les débats devaient se focaliser d’abord sur la terminologie et les définitions. Mme Aïcha Benamar, chercheure au Crasc, s’est d’abord intéressée aux étudiants en réalisant une enquête par entretiens dont elle a dévoilé les premiers résultats. Neuf doctorants ont été interrogés, ainsi que 19 étudiants en mastère 2 et 35 autres en licence. Selon les résultats révélés, «le plagiat et la triche sont perçus comme des déviances, remettant en cause le fonctionnement de l’enseignement universitaire et des pratiques évaluatives». Invité à commenter cette donnée, un étudiant en philosophie résume : «On nous a habitués (…) ou plutôt les enseignants exigeaient de nous de leur rendre ‘leur marchandise’ à l’examen.
Comment voulez-vous qu’on apprenne à exploiter les connaissances acquises !» Pour expliquer cet état de fait, M. Meliani s’est penché sur le problème de la morale, de l’éthique et l’appréhension de l’évaluation. Il souligne d’abord le distinguo entre le plagiat des étudiants et celui des enseignants. Ce dernier étant condamnable de manière ferme et exige un autre niveau de traitement de la question. Cependant, M. Meliani estime que la question du plagiat chez l’étudiant doit être nuancée, car cela peut découler d’une incompétence, d’une ignorance ou d’un cas d’anxiété.
En somme, ce n’est pas forcément de la triche, et l’analyse ne doit pas rester fermée ou se résumer à une vision administrative (sanctions), mais il faut intégrer la notion d’éthique afin de proposer des alternatives et des solutions adéquates et pérennes sans pour autant clore le sujet. En tout état de cause, le plaidoyer scientifique est prononcé en faveur de l’étudiant qui, a priori, semble être le dernier responsable de sa condition.
El Watan, 25/11/2015