La circoncision, un moyen pour circonscrire le sida
Présenté hier par le professeur Auvert, un programme massif d’ablation du prépuce dans un township sud-africain a réduit l’épidémie.
Il y a dix ans, on n’y croyait pas. Il y a cinq ans, on en doutait. Il y a trois ans, on disait : «C’est intéressant mais inapplicable.» Hier, à la conférence internationale sur le sida à Rome, le professeur de santé publique à l’université de Versailles, Bertran Auvert, a présenté les résultats du premier programme massif de circoncision qui s’est déroulé en Afrique du Sud. Ils sont spectaculaires : ce programme a fortement réduit l’infection des hommes par le sida. On savait que la circoncision diminuait de 60% le risque d’une contamination pour un homme mais, pour la première fois sur une grande échelle, on note une réduction de l’épidémie.
L’enquête a eu lieu à Orange Farm, un de ces townships créés de toutes pièces autour de Johannesburg. Plusieurs centaines de milliers de personnes y vivent dans des habitations incertaines, sans infrastructure solide. Depuis les années 90, le virus du sida s’y est propagé de façon massive, touchant près de 20% de la population. Une hécatombe annoncée et terrifiante, car les traitements n’arrivent pas jusque dans ces quartiers déshérités. Toujours dans les années 90, des experts ont noté que, dans les grandes villes africaines où les hommes sont majoritairement circoncis, comme à Dakar, la prévalence (1) du sida y est beaucoup plus faible. Effet protecteur dû à l’absence de prépuce ? Pratiques sexuelles différentes ? Peu de certitudes, mais ce constat surprend.
Avec deux équipes sud-africaines (celles de Dirk Taljaard et David Lewis, de l’Institut national des maladies contagieuses), Bertran Auvert monte un programme d’essai en 2005. A Orange Farm, deux groupes d’hommes sont constitués : les uns seront circoncis, les autres non. Deux tests similaires sont montés par des équipes américaines au Kenya et en Ouganda. En 2007, les premiers résultats tombent. Imposants. «Le risque d’être infecté par le VIH des hommes circoncis est réduit de 60%.» Même résultat en Ouganda et au Kenya, ce qui conduit l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Onusida à recommander «la circoncision de l’adulte comme stratégie de prévention additionnelle». «On avait donc démontré quelque chose»,expliquait alors Auvert. Mais le plus dur restait à faire : «Est-il possible de lancer des campagnes de circoncision ? Les hommes vont-ils accepter ? Ne va-t-on pas entraîner un relâchement des autres pratiques de prévention ?» Les associations critiquent une politique de prévention centrée sur l’homme, alors qu’en Afrique la femme est de plus en plus touchée.
Pourtant, en janvier 2008, Bertran Auvert, soutenu par l’Agence nationale de recherche sur le sida, monte une campagne massive de circoncision auprès des hommes de ce township. Pendant des semaines, des équipes sillonnent les rues pour discuter avec les familles de l’intérêt de la circoncision. Un vieux bâtiment est transformé en petits blocs opératoires. Les règles sont strictes : aucune relation après l’intervention. «Car, si les hommes reprennent trop vite une activité sexuelle, cela peut avoir des effets inverses et faciliter la contamination»,explique Auvert. Trois ans plus tard, «le succès est là, inespéré», constate-t-il, ajoutant : «Je ne pensais pas que l’acceptation serait aussi forte, et l’efficacité aussi sensible.»
Ce printemps, plus de 50% des hommes ont été circoncis dans le township. Chez les hommes circoncis, la prévalence est 30% plus faible. Et l’incidence (2) est 75% plus basse encore. Plusieurs milliers de contaminations ont été ainsi évitées. «C’est un résultat extraordinaire, s’enflamme le Pr David Lewis, pour une intervention qui coûte 40 euros, prend vingt minutes et ne doit être faite qu’une seule fois dans la vie.»«Nous avons réussi à changer les normes sociales, c’est incroyable», ajoute Bertran Auvert. Faut-il dès lors se lancer dans une circoncision mondiale ? Peut-être pas. Tous les experts insistent : ce type de programme de prévention n’est envisageable que dans les pays à très forte épidémie, car la circoncision ne protège pas à 100%.
(1) La prévalence est le taux d’infection à un moment donné dans une population fixée.
(2) L’incidence est le nombre de nouveaux cas par an.
Présenté hier par le professeur Auvert, un programme massif d’ablation du prépuce dans un township sud-africain a réduit l’épidémie.
Il y a dix ans, on n’y croyait pas. Il y a cinq ans, on en doutait. Il y a trois ans, on disait : «C’est intéressant mais inapplicable.» Hier, à la conférence internationale sur le sida à Rome, le professeur de santé publique à l’université de Versailles, Bertran Auvert, a présenté les résultats du premier programme massif de circoncision qui s’est déroulé en Afrique du Sud. Ils sont spectaculaires : ce programme a fortement réduit l’infection des hommes par le sida. On savait que la circoncision diminuait de 60% le risque d’une contamination pour un homme mais, pour la première fois sur une grande échelle, on note une réduction de l’épidémie.
L’enquête a eu lieu à Orange Farm, un de ces townships créés de toutes pièces autour de Johannesburg. Plusieurs centaines de milliers de personnes y vivent dans des habitations incertaines, sans infrastructure solide. Depuis les années 90, le virus du sida s’y est propagé de façon massive, touchant près de 20% de la population. Une hécatombe annoncée et terrifiante, car les traitements n’arrivent pas jusque dans ces quartiers déshérités. Toujours dans les années 90, des experts ont noté que, dans les grandes villes africaines où les hommes sont majoritairement circoncis, comme à Dakar, la prévalence (1) du sida y est beaucoup plus faible. Effet protecteur dû à l’absence de prépuce ? Pratiques sexuelles différentes ? Peu de certitudes, mais ce constat surprend.
Avec deux équipes sud-africaines (celles de Dirk Taljaard et David Lewis, de l’Institut national des maladies contagieuses), Bertran Auvert monte un programme d’essai en 2005. A Orange Farm, deux groupes d’hommes sont constitués : les uns seront circoncis, les autres non. Deux tests similaires sont montés par des équipes américaines au Kenya et en Ouganda. En 2007, les premiers résultats tombent. Imposants. «Le risque d’être infecté par le VIH des hommes circoncis est réduit de 60%.» Même résultat en Ouganda et au Kenya, ce qui conduit l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Onusida à recommander «la circoncision de l’adulte comme stratégie de prévention additionnelle». «On avait donc démontré quelque chose»,expliquait alors Auvert. Mais le plus dur restait à faire : «Est-il possible de lancer des campagnes de circoncision ? Les hommes vont-ils accepter ? Ne va-t-on pas entraîner un relâchement des autres pratiques de prévention ?» Les associations critiquent une politique de prévention centrée sur l’homme, alors qu’en Afrique la femme est de plus en plus touchée.
Pourtant, en janvier 2008, Bertran Auvert, soutenu par l’Agence nationale de recherche sur le sida, monte une campagne massive de circoncision auprès des hommes de ce township. Pendant des semaines, des équipes sillonnent les rues pour discuter avec les familles de l’intérêt de la circoncision. Un vieux bâtiment est transformé en petits blocs opératoires. Les règles sont strictes : aucune relation après l’intervention. «Car, si les hommes reprennent trop vite une activité sexuelle, cela peut avoir des effets inverses et faciliter la contamination»,explique Auvert. Trois ans plus tard, «le succès est là, inespéré», constate-t-il, ajoutant : «Je ne pensais pas que l’acceptation serait aussi forte, et l’efficacité aussi sensible.»
Ce printemps, plus de 50% des hommes ont été circoncis dans le township. Chez les hommes circoncis, la prévalence est 30% plus faible. Et l’incidence (2) est 75% plus basse encore. Plusieurs milliers de contaminations ont été ainsi évitées. «C’est un résultat extraordinaire, s’enflamme le Pr David Lewis, pour une intervention qui coûte 40 euros, prend vingt minutes et ne doit être faite qu’une seule fois dans la vie.»«Nous avons réussi à changer les normes sociales, c’est incroyable», ajoute Bertran Auvert. Faut-il dès lors se lancer dans une circoncision mondiale ? Peut-être pas. Tous les experts insistent : ce type de programme de prévention n’est envisageable que dans les pays à très forte épidémie, car la circoncision ne protège pas à 100%.
(1) La prévalence est le taux d’infection à un moment donné dans une population fixée.
(2) L’incidence est le nombre de nouveaux cas par an.