Entre le système classique et le LMD observations et interrogations
On se pose tous la question sur ce qui caractérise le système LMD et ce qui le distingue du système classique. La question ne vise pas à comparer les fondements et philosophies des deux systèmes, question qu’on devait se poser au moment des réflexions (qui n’ont jamais eu lieu) avant la mise en place du nouveau système
On vise plutôt à comparer les deux systèmes tels qu’ils sont appliqués dans notre
environnement. Cette comparaison est d’autant plus accessible que les deux systèmes vivent encore côte à côte dans nos espaces pédagogiques.
Première observation : La charge horaire hebdomadaire dans le système LMD est environ 50% de moins que celle de l’ancien système (de l’ordre de 24 heures/semaine pour un parcours LMD contre 36 heures environ dans l’ancien système). Le nouveau système laisse donc beaucoup de temps libre aux étudiants, car il se base sur une participation très active de l’étudiant à sa propre formation à travers beaucoup de travail personnel (projets, exposés, etc.).
1ère interrogation : l’étudiant algérien, produit d’un système éducatif défaillant, est-il en mesure de participer à sa propre formation et de gérer son parcours ?
2ème interrogation : notre environnement offre t-il les moyens pour une telle démarche ? (bibliothèques avec leurs contenus et leurs modes de fonctionnement, centres internet et espaces de travail dans les établissements et les résidences universitaires, etc.).
3ème interrogation : Les enseignants (et j’en fais partie) sont-ils prêts à changer d’approche et de méthodes pédagogiques pour s’adapter à l’esprit du nouveau système ? Ont-ils été sensibilisés et formés pour cela ?
Deuxième observation : Dans la majorité des cas, les contenus des licences et masters ne sont autres que les programmes du système classique avec des volumes horaires très réduits, ce qui fait de ces parcours des espèces de formations accélérées avec,
paradoxalement, beaucoup de temps libre pour l’étudiant.
4ème interrogation : Les contenus et objectifs des programmes sont-ils adaptés aux volumes horaires calculés sur la base de 14 semaines par semestre qui ne sont que très rarement réalisées ?
5ème interrogation : Les contenus de ces formations ont-ils été réfléchis en fonction des besoins socio-économiques de chaque région et en partenariat avec les utilisa-
teurs potentiels ?
Troisième observation :L’orientation précoce de l’étudiant. En effet l’étudiant du LMD est orienté vers une filière donnée de façon quasi-définitive en 3ème an-
née (niveau licence). Cette orientation dépend du nombre de places pédagogiques disponibles. En france, par exemple, même le niveau M1 (1ère année de master) est
souvent considéré comme un tronc commun de plusieurs filières, et la spécialisation ne se fait véritablement qu’au niveau M2.
6ème interrogation : Est-ce que l’étudiant en LMD choisit véritablement son parcours de formation, ou est ce qu’il continue à être orienté malgrés lui, comme dans le système classique ?
7ème interrogation : Si l’étudiant fait une erreur dans son choix, dans quelle mesure peut-il changer d’orientation, et dans quelle mesure le système de passerelles, prin-cipe de base du système LMD, est-il efficace et opérationnel ?
Quatrième observation : Le parcours licence professionnelle est constitué de deux années où la formation est axée essentiellement sur les sciences fondamentales (maths,
physique, chimie). La spécialisation n’intervient qu’en dernière année de formation. Contrairement à l’ancien système (cycle court DEUA), où la formation de la spécialité en question couvrait les trois années. C’est le cas aussi de la licence professionnelle en france qui recrute des étudiants titulaires de diplômes Bac+2 professionnels (diplômés des instituts universitaires de technologie notamment).
8ème interrogation : Peut-on former un professionnel opérationnel dans un domaine donné (chef de chantier de bâtiment, par exemple) en une seule année de formation ?
9ème interrogation : Y a-t-il un intérêt à suivre deux années de formation en sciences fondamentales pour déboucher sur une telle formation ?
Cinquième observation : On ne fait pratiquement plus de distinction entre le master professionnel et le master académique. Ce dernier qui permet l’accès au doctorat (D du
LMD) ne contient presque pas d’initiation à la recherche. Contrairement à l’ancien système qui disposait d’un palier très important, en l’occurrence le magister,permettant
à l’étudiant, d’une part, de passer progressivement d’une formation de graduation au monde de la recherche, et d’autre part, d’acquérir des compétences pédagogiques lui permettant, après l’obtention du magister, d’entamer une carrière d’enseignant chercheur.
10ème interrogation : Le titulaire d’un master est-il en mesure d’aborder directement une recherche dans le cadre d’un doctorat sans passer par un palier d’initiation à la recherche ?
11ème interrogation : Le titulaire d’un master est-il en mesure d’occuper la fonction d’enseignant chercheur et de se mettre de l’autre côté des bancs sur lesquels il était assis une année auparavant ? (allusion faite au décret du 13 décembre 2010).
Finalement, l’université algérienne se doit de se demander ce qu’elle a gagné en adoptant le système LMD. Certes, une lisibilité de nos diplômes au niveau international…Mais, ce système nous a-t-il permis d’améliorer la qualité de la
formation ? La formation de master est-elle meilleure que la formation d’ingénieur ? C’est à travers ces questions et toutes celles posées dans cet article qu’on pourra dire si l’application du système LMD en Algérie a été une réussite ou un échec…
Essayer de comparer le master au magister (cf. décret du 13 décembre 2010), en plus du fait que comparer l’incomparable est une aberration, c’est peut être aussi
une façon de se voiler la face et passer à côté de toutes les questions qu’on doit avoir le courage de poser si on veut sincèrement une université meilleure !
Par Abou-bekr Nabil
*Professeur en Génie Civil
Université de Tlemcen*
On se pose tous la question sur ce qui caractérise le système LMD et ce qui le distingue du système classique. La question ne vise pas à comparer les fondements et philosophies des deux systèmes, question qu’on devait se poser au moment des réflexions (qui n’ont jamais eu lieu) avant la mise en place du nouveau système
On vise plutôt à comparer les deux systèmes tels qu’ils sont appliqués dans notre
environnement. Cette comparaison est d’autant plus accessible que les deux systèmes vivent encore côte à côte dans nos espaces pédagogiques.
Première observation : La charge horaire hebdomadaire dans le système LMD est environ 50% de moins que celle de l’ancien système (de l’ordre de 24 heures/semaine pour un parcours LMD contre 36 heures environ dans l’ancien système). Le nouveau système laisse donc beaucoup de temps libre aux étudiants, car il se base sur une participation très active de l’étudiant à sa propre formation à travers beaucoup de travail personnel (projets, exposés, etc.).
1ère interrogation : l’étudiant algérien, produit d’un système éducatif défaillant, est-il en mesure de participer à sa propre formation et de gérer son parcours ?
2ème interrogation : notre environnement offre t-il les moyens pour une telle démarche ? (bibliothèques avec leurs contenus et leurs modes de fonctionnement, centres internet et espaces de travail dans les établissements et les résidences universitaires, etc.).
3ème interrogation : Les enseignants (et j’en fais partie) sont-ils prêts à changer d’approche et de méthodes pédagogiques pour s’adapter à l’esprit du nouveau système ? Ont-ils été sensibilisés et formés pour cela ?
Deuxième observation : Dans la majorité des cas, les contenus des licences et masters ne sont autres que les programmes du système classique avec des volumes horaires très réduits, ce qui fait de ces parcours des espèces de formations accélérées avec,
paradoxalement, beaucoup de temps libre pour l’étudiant.
4ème interrogation : Les contenus et objectifs des programmes sont-ils adaptés aux volumes horaires calculés sur la base de 14 semaines par semestre qui ne sont que très rarement réalisées ?
5ème interrogation : Les contenus de ces formations ont-ils été réfléchis en fonction des besoins socio-économiques de chaque région et en partenariat avec les utilisa-
teurs potentiels ?
Troisième observation :L’orientation précoce de l’étudiant. En effet l’étudiant du LMD est orienté vers une filière donnée de façon quasi-définitive en 3ème an-
née (niveau licence). Cette orientation dépend du nombre de places pédagogiques disponibles. En france, par exemple, même le niveau M1 (1ère année de master) est
souvent considéré comme un tronc commun de plusieurs filières, et la spécialisation ne se fait véritablement qu’au niveau M2.
6ème interrogation : Est-ce que l’étudiant en LMD choisit véritablement son parcours de formation, ou est ce qu’il continue à être orienté malgrés lui, comme dans le système classique ?
7ème interrogation : Si l’étudiant fait une erreur dans son choix, dans quelle mesure peut-il changer d’orientation, et dans quelle mesure le système de passerelles, prin-cipe de base du système LMD, est-il efficace et opérationnel ?
Quatrième observation : Le parcours licence professionnelle est constitué de deux années où la formation est axée essentiellement sur les sciences fondamentales (maths,
physique, chimie). La spécialisation n’intervient qu’en dernière année de formation. Contrairement à l’ancien système (cycle court DEUA), où la formation de la spécialité en question couvrait les trois années. C’est le cas aussi de la licence professionnelle en france qui recrute des étudiants titulaires de diplômes Bac+2 professionnels (diplômés des instituts universitaires de technologie notamment).
8ème interrogation : Peut-on former un professionnel opérationnel dans un domaine donné (chef de chantier de bâtiment, par exemple) en une seule année de formation ?
9ème interrogation : Y a-t-il un intérêt à suivre deux années de formation en sciences fondamentales pour déboucher sur une telle formation ?
Cinquième observation : On ne fait pratiquement plus de distinction entre le master professionnel et le master académique. Ce dernier qui permet l’accès au doctorat (D du
LMD) ne contient presque pas d’initiation à la recherche. Contrairement à l’ancien système qui disposait d’un palier très important, en l’occurrence le magister,permettant
à l’étudiant, d’une part, de passer progressivement d’une formation de graduation au monde de la recherche, et d’autre part, d’acquérir des compétences pédagogiques lui permettant, après l’obtention du magister, d’entamer une carrière d’enseignant chercheur.
10ème interrogation : Le titulaire d’un master est-il en mesure d’aborder directement une recherche dans le cadre d’un doctorat sans passer par un palier d’initiation à la recherche ?
11ème interrogation : Le titulaire d’un master est-il en mesure d’occuper la fonction d’enseignant chercheur et de se mettre de l’autre côté des bancs sur lesquels il était assis une année auparavant ? (allusion faite au décret du 13 décembre 2010).
Finalement, l’université algérienne se doit de se demander ce qu’elle a gagné en adoptant le système LMD. Certes, une lisibilité de nos diplômes au niveau international…Mais, ce système nous a-t-il permis d’améliorer la qualité de la
formation ? La formation de master est-elle meilleure que la formation d’ingénieur ? C’est à travers ces questions et toutes celles posées dans cet article qu’on pourra dire si l’application du système LMD en Algérie a été une réussite ou un échec…
Essayer de comparer le master au magister (cf. décret du 13 décembre 2010), en plus du fait que comparer l’incomparable est une aberration, c’est peut être aussi
une façon de se voiler la face et passer à côté de toutes les questions qu’on doit avoir le courage de poser si on veut sincèrement une université meilleure !
Par Abou-bekr Nabil
*Professeur en Génie Civil
Université de Tlemcen*