Les biocarburants utilisés en Europe accélèrent la déforestation
La combustion d'arbres n’est pas inoffensive
La sécurité énergétique sur le devant de la scène
Par Arthur Neslen, EurActiv.com
Traduction de l'anglais par Aubry Touriel
Publié dans la revue Techniques de l’Ingénieur, 04 juin 2014
Lire la suite via : http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/environnement-thematique_191/les-biocarburants-utilises-en-europe-accelerent-la-deforestation-article_285583/
L'empreinte mondiale provoquée par la demande européenne en bioénergie équivalait en 2010 à la taille de la Suède, révèle le rapport de l'université de Vienne « A calculation of the EU bioenergy land footprint ».
« Les objectifs politiques en matière de bioénergie devraient nécessiter l’expansion des terres [destinées à la culture de bioénergie] équivalant à la superficie de la Pologne d’ici 2030 ». « Cette expansion est fortement liée aux objectifs européens en matière d'énergie pour 2020. »
Parmi ses objectifs à l'horizon 2020, l'UE compte produire 20 % de son mix énergétique à partir d'énergies renouvelables. Dans l'ensemble de l'Union, près de deux tiers des énergies renouvelables provenaient de la biomasse en 2010. Bruxelles affiche également une autre ambition : 10 % du carburant destiné au transport devrait provenir des énergies renouvelables d'ici 2020, dont la majeure partie provient de biocarburants. Les États membres doivent pourtant toujours discuter en détail des règles visant à prendre en compte les éventuels effets indirects sur l'affectation des sols.
Le rapport indique que l'utilisation de biocarburants en Europe se stabilisera entre 2020 et 2030. Ces conclusions se basent sur des projections de l’UE quant à l'utilisation de biomasse, si aucune autre mesure de réduction des émissions n’est mise en place. Il en ressort que d'ici 2030, la biomasse représentera 40 millions d'hectares, les biocarburants 11 millions et les cultures consacrées à la bioénergie constitueront le reste (…).
Lors de la récolte de la biomasse, les brindilles et feuilles tombées, les résidus agricoles ainsi que les autres déchets en fin de vie peuvent être des sources précieuses d'énergie renouvelable.
La combustion d'arbres n’est pas inoffensive
La combustion d'un arbre afin de produire de la bioénergie sous la forme de granulés ou de copeaux libère tout le carbone absorbé par l'arbre au cours de sa vie. Du coup, l'environnement est capable de combler stocker moins de CO2 jusqu’à ce qu’un arbre soit replanté et arrive totalement à maturation.
Le 22 mai, l'Agence américaine pour l'information sur l'énergie a indiqué que les exportations de granulés de bois américains ont presque doublé l'année dernière pour atteindre près de 3 millions de tonnes. Environ 98 % de ces exportations ont été livrées en Europe et 99 % de ces produits transitaient par les ports du sud-est des États-Unis et de la région inférieure du Mid-atlantic, sur la côte Est.
L'Institut pour une politique européenne de l'environnement (IEEP), l'International Institute for Sustainability Analysis and Strategy, l'Institut européen des forêts et Joanneum Research ont publié d'autres études sur le sujet. Ils sont arrivés à la même conclusion : la demande prévue en biomasse ligneuse serait supérieure à l’approvisionnement durable.
Le rapport de l'IEEP révèle que seulement 1,3 million d'hectares de terres en Europe pourraient être utilisés pour des cultures énergétiques sans devoir déplacer la production alimentaire ou endommager les habitats précieux.
« La combustion des arbres dans nos centrales énergétiques est une catastrophe », indique Robbie Blake, chargé de campagne pour les biocarburants pour les Amis de la Terre Europe. « La bioénergie contribue à la réduction des émissions, mais on devrait se concentrer sur l'utilisation de déchets plutôt que sur la combustion d’arbres et sur les cultures vivrières. »
La sécurité énergétique sur le devant de la scène
La biomasse a pris de plus en plus d'ampleur dans le calendrier politique étant donné que l'UE se concentre plus sur la sécurisation des sources nationales, ce qui permettrait de réduire la demande en importation.
D'après les rapports, la bioénergie s'est avérée particulièrement populaire dans les centrales à charbon au Royaume-Uni puisqu'il est aisé de changer de type d'approvisionnement dans ce genre de centrale.
Alors que les leaders européens ont tenté de trouver une solution à la crise ukrainienne le mois dernier, Jasmin Battista, membre du cabinet du commissaire en charge de l'énergie, Günther Oettinger, a confirmé que la mise en place de critères pour évaluer le développement durable serait reportée à l'après-2020.Les États producteurs de biomasse, dont la Finlande et la Suède, sont réputés pour s'être farouchement opposés à des règles strictes pour comptabiliser l’émission de carbone.
Un fonctionnaire de l'UE a expliqué à EurActiv qu'« aucune consultation » n'avait eu lieu avec les agents en charge du dossier avant de faire l'annonce. « Nous avons été mis au courant par la presse », indique la source.
La déclaration de Jasmin Battista est survenue alors que des scientifiques de l'UE venaient de découvrir que le biocarburant pourrait en réalité augmenter les émissions de carbone, en raison de l'incapacité à contrôler et à expliquer les émissions libérées à la source.
Jonas Helseth, directeur des politiques européennes de Bellona, une fondation qui fait la promotion de l'utilisation durable de la biomasse, a affirmé que les discussions avec les fonctionnaires européens l'avaient convaincu que le biocarburant était un contrepoids nécessaire à la hausse de l'utilisation de charbon au sein de l'UE (…).
Par Arthur Neslen, EurActiv.com
Traduction de l'anglais par Aubry Touriel
Publié dans la revue Techniques de l’Ingénieur, 04 juin 2014
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